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RĂ©forme de la loi italienne sur l’arbitrage et nouveau rĂšglement d’arbitrage de la Chambre d’arbitrage de Milan

Le 1er mars 2023 marque une date cruciale pour les acteurs de l’arbitrage en Italie. En effet, la rĂ©forme du Code de procĂ©dure civile entre en vigueur, apportant des modifications ciblĂ©es mais extrĂȘmement pertinentes en matiĂšre d’arbitrage. ParallĂšlement, le nouveau RĂšglement d’arbitrage de la Chambre d’arbitrage de Milan (dont le texte anglais est disponible ici) prend Ă©galement effet.

En ce qui concerne ce dernier, les dispositions les plus intĂ©ressantes portent sur les pouvoirs de prĂ©caution des arbitres de la Chambre d’arbitrage de Milan.

Le nouvel article 818 du Code de procĂ©dure civile italien permet aux parties d’attribuer des pouvoirs de prĂ©caution aux arbitres, Ă  condition que cela soit fait dans la convention d’arbitrage ou dans un acte Ă©crit avant le dĂ©but de la procĂ©dure d’arbitrage, en se rĂ©fĂ©rant Ă©galement au rĂšglement d’arbitrage.

Et conformĂ©ment Ă  l’article 26 du nouveau rĂšglement d’arbitrage de la Chambre d’arbitrage de Milan, le tribunal arbitral a le pouvoir d’adopter toutes les mesures provisoires, urgentes et conservatoires, y compris celles de nature anticipative, qui ne sont pas interdites par les rĂšgles impĂ©ratives applicables Ă  la procĂ©dure. Cette disposition est en fait prĂ©sente dans le rĂšglement d’arbitrage depuis un certain temps, mais elle trouve dĂ©sormais une application beaucoup plus large dans le cadre de la rĂ©forme.

Le mĂȘme article 26 du nouveau rĂšglement d’arbitrage de la Chambre d’arbitrage de Milan prĂ©voit Ă©galement la possibilitĂ© de rendre des ordonnances inaudita altera parte, qui peuvent ĂȘtre confirmĂ©es, modifiĂ©es ou rĂ©voquĂ©es aprĂšs l’ouverture de la procĂ©dure contradictoire.

Si le tribunal arbitral n’est pas encore constituĂ©, les parties peuvent adresser leurs demandes conservatoires soit au juge Ă©tatique, conformĂ©ment au nouvel article 818.2 du Code de procĂ©dure civile, soit Ă  l’arbitre d’urgence rĂ©gi par l’article 44 du nouveau rĂšglement d’arbitrage de la Chambre d’arbitrage de Milan.

Il existe donc une compĂ©tence concurrente diachronique : le juge Ă©tatique est compĂ©tent avant la constitution du tribunal arbitral, ce dernier dĂšs sa constitution. De mĂȘme, une compĂ©tence concurrente synchronique s’observe : le juge Ă©tatique et l’arbitre d’urgence de la Chambre d’arbitrage de Milan sont tous deux compĂ©tents avant la constitution du tribunal arbitral qui sera appelĂ© Ă  statuer sur le fond.

Un aspect particuliĂšrement intĂ©ressant rĂ©side dans la discipline intertemporelle : le nouveau rĂšglement d’arbitrage de la Chambre d’arbitrage de Milan s’applique aux procĂ©dures arbitrales engagĂ©es Ă  partir du 1er mars 2023. En ce qui concerne l’attribution de pouvoirs de prĂ©caution aux arbitres de la Chambre d’arbitrage de Milan, aucune importance n’est accordĂ©e, que ce soit aprĂšs (article 26 du rĂšglement d’arbitrage) ou avant la constitution du tribunal arbitral (article 44 du rĂšglement d’arbitrage), au moment de la conclusion de la convention d’arbitrage.

En effet, la rĂ©fĂ©rence au rĂšglement d’arbitrage dans la clause d’arbitrage doit ĂȘtre considĂ©rĂ©e comme une rĂ©fĂ©rence mobile, conformĂ©ment Ă  l’article 832, paragraphe 3, du code de procĂ©dure civile. Le choix de l’arbitrage administrĂ© repose sur la confiance des parties dans l’institution arbitrale, confiance qui – comme l’a observĂ© la doctrine – ne peut se rĂ©soudre Ă  la cristallisation d’un cadre rĂ©glementaire Ă  la date de la clause d’arbitrage, mais doit au contraire permettre Ă  l’institution de modifier son propre rĂšglement, y compris – comme cela s’est produit en l’espĂšce – pour tenir compte des changements de la loi applicable.

Le choix effectuĂ© par la Chambre d’arbitrage de Milan dans son nouveau rĂšglement est sans aucun doute un choix courageux (compte tenu Ă©galement du risque d’une demande au titre des articles 818-bis et 829, alinĂ©a 1 du Code de procĂ©dure civile), mais qui semble Ă©galement partageable, Ă  la lumiĂšre de la pleine compatibilitĂ© susmentionnĂ©e avec la discipline juridique de l’arbitrage administrĂ© et de sa raison d’ĂȘtre. Dans cette perspective, la circonstance que le rĂšglement d’arbitrage prĂ©voyait dĂ©jĂ  la dĂ©livrance de mesures conservatoires en cours de procĂ©dure, disposition qui a vu son champ d’application Ă©largi par la rĂ©forme, est Ă©galement pertinente.

Il est certain que les recours contre les mesures provisoires prononcĂ©es par les arbitres de la Chambre d’arbitrage de Milan ne manqueront pas et la jurisprudence qui s’en dĂ©gagera sera, comme d’habitude, publiĂ©e et analysĂ©e dans cette revue.

Roberto Oliva

Roberto est associé du département de résolution des litiges de Pavia e Ansaldo, un cabinet d'avocats italien indépendant de premier plan, qui opÚre en Italie et à l'étranger depuis plus de 60 ans.

Il est inscrit au barreau de Milan et admis à exercer devant les juridictions supérieures italiennes.

Roberto assiste des clients italiens et Ă©trangers dans des litiges complexes devant les tribunaux de l'État italien et les tribunaux arbitraux siĂ©geant en Italie et Ă  l'Ă©tranger. En outre, il est rĂ©guliĂšrement dĂ©signĂ© comme arbitre par les parties, les institutions arbitrales ou les autoritĂ©s de nomination.

Roberto est membre de l'International Bar Association (IBA), de l'Associazione Italiana dell'Arbitrato (AIA), d'ArbIT - Italian Forum for Arbitration and ADR, et du Chartered Institute of Arbitrators (CIArb).

Il est également secrétaire honoraire du comité de la branche européenne de la CIArb, coprésident d'ArbIT et rédacteur général de la revue électronique Arbitrage en Italie.